La fondation de Marseille par les Phocéens

Avez-vous déjà entendu parler de Marseille sous le nom de « cité phocéenne » ? Derrière ce surnom se cache une histoire fascinante, puisqu’il vient du fait que la ville fut fondée par des Phocéens, un peuple grec venant d’Asie Mineure (Turquie actuelle) !

Marseille, connue alors sous le nom de Massalia, fut fondée en -600 ce qui en fait la ville la plus ancienne de France. Elle est devenue très vite une cité importante de la Méditerranée comme nous allons le voir…

 

 

Qui sont les Phocéens ?

Les Phocéens sont les habitants de la cité de Phocée, située en Ionie (actuelle Turquie). Les Ioniens sont un peuple grec, ils font d’ailleurs partie des quatre peuples qui ont peuplé la Grèce continentale au 2e millénaire av. J.-C., avec les Achéens, les Éoliens et les Doriens.

Selon la mythologie grecque les Ioniens sont les descendants d’Ion, le fils de Créuse et d’Apollon. Il fut abandonné à la naissance par sa mère et recueilli par Hermès qui le déposa devant le temple d’Apollon de Delphes. La Pythie, qui est l’Oracle d’Apollon, trouva l’enfant et décida alors de le recueillir. Une fois adulte, Ion devint le gardien du temple consacré à son père, sans savoir qu’il était le fils d’Apollon.

Les Ioniens sont ensuite partis s’implanter, par le biais de colons venant d’Athènes et de Phocide, en Asie Mineure où ils fondèrent la Ionie. La Ionie était composée de plusieurs cités indépendantes, comme par exemple Phocée et Milet. Les Phocéens étaient de très bons navigateurs, ils ont pris très tôt le chemin de la Méditerranée pour implanter des comptoirs commerciaux, comme celui de Massalia.

 

 

Mythe de Protis et Gyptis

Comme de nombreuses cités antiques, Massalia a aussi droit à son mythe fondateur. Il en existe deux versions, dont la plus connue est celle du mariage de Protis et de Gyptis. Cette version nous est rapportée, entre autres, par Aristote et Trogue Pompée (historien gallo-romain).

Venu de Phocée, l’équipage de Protis et Simos posa les pieds dans la baie du Lacydon (vieux-port) pour établir un comptoir commercial dans les environs. Ils allèrent trouver le chef des Ségobriges, appelé Nannus, qui vivaient dans la région. Ce dernier organisait un banquet pour marier sa fille Gyptis et invita Protis, Simos et leur équipage à se joindre à eux. Selon la tradition, une fois que Gyptis a choisi son futur mari elle doit lui offrir un verre d’eau. Gyptis, qui jeta son dévolu sur Protis, décida alors de le lui offrir. Les deux se marièrent et Nannus leur offrit un bout de terre pour fonder une ville, qui deviendra Massalia.

 

 

Mythe de Strabon

Le second mythe nous est raconté principalement par Strabon (géographe et historien grec). Selon lui, les Phocéens se sont enfuis de leur ville à la suite de l’invasion Perse dans la région. Sur leur chemin, les Phocéens ont fait escale à Éphèse où l’Oracle leur a dit de laisser la déesse Artémis d’Éphèse designer leur guide de navigation.

Artémis apparut alors en rêve à Aristarchè, une femme très estimée de la région, pour lui dire de rejoindre les Phocéens. Aristarchè se présenta alors aux Phocéens et embarqua avec eux. Elle prit avec elle des objets religieux pour fonder un temple en l’honneur d’Artémis d’Éphèse à l’endroit où ils s’installeraient.

Ils arrivèrent ainsi dans la baie du Lacydon et fondèrent Massalia. Comme convenu, ils érigèrent un temple dédié à Artémis d’Éphèse, appelé Éphesion et firent d’Aristarchè la grande prêtresse du temple.

 

 

La fondation de Massalia

La ville de Massalia, à ne pas confondre avec Massilia qui sera le nom romain de la ville, fut fondée vers -600 à proximité de l’actuel vieux-port, là où se situe le quartier actuel plein de charme du Panier. La date de la fondation fut corroborée par des découvertes archéologiques, tout comme le fait que la ville fut fondée par des Phocéens (analyses génétiques).

À l’époque, la France est habitée par une population proto-celtique (culture de Hallstatt). Il faudra attendre -500 pour que les Celtes (culture de la Tene) viennent peupler la Gaule. Lors de l’arrivée des Phocéens, le sud de la France était quant à lui habité par les Ligures, un peuple autochtone divisé en plusieurs tribus. La tribu qui vivait près de l’endroit où accostèrent les Phocéens portait le nom de Ségobriges.

 

 

Il est fort probable que la légende de Protis et Gyptis soit basée sur la réalité et que les Phocéens en arrivant aient conclu des alliances (mariage et/ou commerce) avec la tribu des Ségobriges. Massalia va devenir très vite une cité très importante et prospère en Méditerranée, d’autant plus que de nombreux échanges commerciaux vont se créer avec les Gaulois grâce au fleuve du Rhône. Les Phocéens vont d’ailleurs fonder des villes comme Arles, le long du fleuve, pour le commerce.

Les Phocéens ne sont pas les seuls présents en Méditerranée à cette époque, puisqu’il y avait les Étrusques (présents en Italie), mais aussi les Phéniciens établis dans la ville de Carthage (Tunisie) et les Corinthiens (aussi des Grecs) dans la ville de Syracuse (Sicile). Il y aura plusieurs conflits entre ces cités, comme par exemple la bataille d’Alalia (Aléria, Corse) en -540. Alalia fut fondée par les Phocéens, mais ils vont en perdre le contrôle à l’issue de cette bataille, au profit des Carthaginois.

Massalia va par la suite passer de comptoir commercial phocéen à nouvelle Cité mère du peuple phocéen. Ce changement de statut va intervenir lorsque la Ionie, et donc la cité de Phocée, va tomber entre les mains des armées Perses. Les habitants de Phocée vont alors s’enfuir et rejoindre la cité de Massalia.

 

 

Les vestiges de Massalia

De nos jours, il reste malheureusement assez peu de vestiges de cette époque. On trouve néanmoins plusieurs objets conservés au Musée d’histoire de la ville de Marseille, ainsi que des ruines du port antique, situées à proximité du musée. Ces ruines sont connues sous le nom de « Jardin des vestiges » et ont été trouvées en 1967, lors de la construction du centre commercial « Centre Bourse ». Parmi ces vestiges, on trouve par exemple des remparts datant du 2e siècle av. J.-C. et une terrasse funéraire du 4e siècle av. J.-C.

Peu de descriptions de la ville nous sont parvenues, mais selon ces dernières il y avait au moins trois temples dans la ville, un temple dédié à Artémis d’Éphèse, un temple dédié à Athèna et un temple dédié à Apollon. Le temple dédié à Artémis d’Éphèse, l’Éphesion, est celui que l’on retrouve dans le mythe de la fondation de Marseille de Strabon. Il semble que l’Éphesion ait été détruit en 1412 lors des invasions barbares. Sur une des photos de l’article, vous pouvez trouver une maquette de Massalia telle qu’elle devait être au 2e/3e siècle av. J.-C., on peut y voir les trois temples sur les hauteurs.

Je souhaitais en profiter pour parler un peu d’Artémis d’Éphèse, car elle est très différente de la déesse grecque que l’on connaît. Artémis d’Éphèse a subi l’influence de plusieurs divinités locales, elle est représentée avec de nombreuses protubérances qui font penser à des seins, ou à des testicules de taureau selon les interprétations. Ces symboles font d’Artémis d’Éphèse une divinité associée à la fertilité.

 

 

Massalia devient Massilia

Massalia fut conquise par Jules César en -49 et devint alors Massilia. Ce n’est pas le premier contact qu’a la cité phocéenne avec Rome puisque Massalia, en tant que cité grecque, était très appréciée des Romains. Comme ils adoraient la culture grecque et que Massalia était plus proche qu’Athènes, les Romains s’y déplaçaient souvent. Massalia sera même l’alliée de Rome lorsqu’elle s’en prendra aux Étrusques et aux Carthaginois. Ce statut favorable va lui permettre de garder son indépendance, alors que Rome conquiert de plus en plus de territoires en Méditerranée.

Ce n’est qu’à l’issue de la guerre entre Jules César et Pompée que la ville va être intégrée à l’Empire romain. Les habitants de Massalia vont faire une erreur en accueillant les navires de Pompée… ce qui va pousser Jules César à s’en prendre à la ville, qui tombera en -49. Massalia intégre alors la province romaine de la Narbonnaise. Nouvellement Massilia, la ville sera quand même en bon terme avec Rome et prospérera jusqu’au déclin de l’Empire romain d’Occident.

 

 

Avant de terminer cet article sur l’histoire de la fondation de Marseille, je voulais évoquer deux derniers sujets que je trouve fascinants : le trésor des Marseillais et Pythéas. 

 

Le Trésor des Marseillais

Un Trésor est un édifice construit pour contenir des objets précieux donnés en offrande à une divinité. Seules les cités les plus riches pouvaient faire construire un Trésor, ce qui nous permet de constater à quel point Massalia était une cité puissante sous l’Antiquité. Le Trésor des Marseillais est consacré à la déesse Athéna, il fut construit vers -500 dans la ville de Delphes, qui était le centre du monde grec. C’est à Delphes que se trouvait le temple d’Apollon et la célèbre Pythie qui rendait les oracles du dieu. Il ne reste que très peu de traces du Trésor marseillais à Delphes, mais des objets retrouvés sont conservés dans le musée de la ville.

 

Pythéas

Pythéas est un scientifique massaliote (marseillais) très connu, qui est parti en expédition vers le nord de l’Europe. Il a entamé son voyage, en franchissant les colonnes d’Hercule (Détroit de Gibraltar) entre -330 et -320. Il aurait été le premier à expliquer le phénomène des marées, même si certains auteurs attribuent cet exploit à son compatriote Euthymènes, qui a aussi dépassé les colonnes d’Hercule, mais pour longer la côte africaine.

Pythéas mentionne aussi dans ses récits, perdus de nos jours, l’île de Thulé qui pourrait s’apparenter à l’Islande ou la Norvège. Beaucoup d’auteurs ne le croyaient pas, car ils pensaient qu’il n’y avait rien au-dessus de l’Irlande… Selon la légende, son expédition aurait été commandée par Alexandre le Grand…

Voilà pour cet article consacré à la fondation de Marseille par les Phocéens, j’espère qu’il vous a plu ! On se retrouve vite pour de nouveaux articles consacrés à cette ville incroyable…

 

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